La parabole du riche et du pauvre Lazare ne sort pas de l’imaginaire, mais reflète une situation de vie que Jésus a fréquemment rencontrée. La différence entre les riches et les pauvres était criante à son époque. Il base son enseignement sur l’expérience de tous les jours. La description des deux personnages coule de source (vv.19-21). L’accent est mis sur le pauvre qui porte un nom: c’est une personne à destinée personnalisée. Le riche reste anonyme : il se confond dans la masse vouée à la mort. Jésus dépeint l’indifférence du riche à l’égard de la pauvreté qui l’entoure. Il analyse le sentiment du Pauvre Lazare qui désire le nécessaire pour survivre.
Dans la deuxième partie de la parabole, le lecteur ou l’auditeur se voit transféré dans l’au-delà. Voilà le point de départ du chemin de la parabole vers sa pointe. Pour commencer, il faut noter que le texte n’a pas de portée dogmatique. Il ne fournit pas de synthèse sur la foi du peuple juif sur l’au-delà de la mort. Les opinions en la matière sont multiples et variées à l’époque de Jésus. Les imaginations divergent. Lors de la mort, le défunt disparaît dans le schéol, un lieu situé dans le fond de la terre, sombre et triste. Le défunt , qui y séjourne, mène une existence qui ne mérité pas d’être appelée vie. D’aucuns prétendent néanmoins en savoir plus. On perçoit cette existence en rapport avec le genre de vie que le défunt a mené sur la terre. La situation de méchant ne peut que s’aggraver : il s’enfonce dans le feu qui ne s’éteint plus. Le juste est porté par les anges dans une existence paradisiaque, dans la maison d’Abraham. La parabole se joue sur l’arrière-fond de cet imaginaire sans dogmatiser d’aucune manière.
D’un côté, Abraham arrive avec Lazare dans le bonheur du ciel. De l’autre côté, le riche souffre atrocement dans le feu de l’enfer. Le riche entame le dialogue. Il ne conteste pas sa condamnation et semble animé par des bons sentiments.Il n’hésite pas à appeler Abraham son père et lui demande d’envoyer Lazare pour adoucir sa peine. Abraham se perçoit incapable d’accéder à cette demande étant donné le fossé infranchissable entre les deux mondes. Le riche ne capitule pas et manifeste encore de meilleurs sentiments. Qu’Abraham envoie Lazare vers ses frères pour les mettre en garde. Abraham constate une nouvelle fois son incapacité d’accéder à la demande. La mission imaginée par le riche s’avère impossible et inutile.
…Pour saisir la pointe de cette parabole, il faut en quelque sorte la « démythifier ». Ce n’est pas l’au-delà de la mort qui est important, c’est l’ici-bas de la vie qu’il faut considérer. Voilà en fait deux types d’hommes.
Le danger couru par le riche : il est replié sur lui même, il est fondamentalement égoïste, il est purement matérialiste, il n’a aucun désir d’une vraie relation aux autres. Il est sur la voie de la mort. Lazare, matériellement pauvre sans l’être nécessairement d’un point de vue spirituel, a au moins une énorme chance : il désire être secouru, il est ouvert à la relation humaine. Même sans le vouloir , il est sur le chemin de la vie.
La pointe de la parabole paraît finalement double. D’abord, l’homme n’a qu’une vie et il doit la valoriser. Son sort éternel en dépend. Il entame son éternité sur cette terre. Ensuite, la valeur de la vie sur cette terre dépend d’une situation voire d’un choix. Il doit l’assumer et la vivre. Le riche risque d’être enfermé dans ses richesses et court à la mort, le pauvre peut profiter de sa situation, s’ouvrir à la relation, à la vie.Le choix de vie n’est pas commandé par des preuves. Il est néanmoins inéluctable et libre.
Texte sélectionné par le Père Jean-Jacques
Karl Gatzweller dans FEU NOUVEAU 2016