OUVRIR LES MAINS
Agir, aimer… la charité, c’est l’amour en actes. Dieu aurait pu nous envoyer directement l’Esprit Saint, qui aurait inspiré quelques humains. Cela aurait épargné à Jésus l’horreur de la croix. Non. Il a choisi d’aimer « à fond » : se faire humain, depuis la fragilité de la naissance jusqu’à la douleur d’une agonie violente. Pouvons-nous imaginer plus belle et puissante invitation à aimer à notre tour ?
Joseph, une fois sûr que la seule loi qui vaille est celle de l’amour, la met immédiatement en actes en accueillant celle qu’il aurait dû répudier.
Nos mains, quand elles ne nous cachent pas les yeux, quand elles ne nous bouchent pas les oreilles, quand elles ne nous ferment pas la bouche, sont libres de s’ouvrir pour accueillir, inviter, donner, aimer en vérité, c’est-à-dire porter les fruits de l’amour que nous avons reçu de Dieu. Alors, à Noël et chaque jour, un monde nouveau peut naître de nos mains.
Si, comme le prétendait Georges Bataille, la religion est sans doute elle-même, à la base, subversive, si elle détourne de l’observation des lois, alors, il n’est pas trop tard, mais il est temps, Joseph, de devenir religieux dans ta religion, de retrouver un souffle de liberté du côté des songes et des battements d’aile des anges !… Il est temps de renouer avec la loi toute première – et toute simple – qui recommande d’aimer d’un amour qui aime, c’est-à-dire de tout faire par amour plutôt que par devoir. D’aller là où ton cœur te mène, du côté de la confiance et du pardon, et pas là où la loi pèse lourd son poids d’airain. Qu’est-ce que la loi, d’ailleurs, quand l’amour aime vraiment ? Une branche morte, un aboiement de chien quand la caravane passe…
Aujourd’hui, l’évangéliste Matthieu nous met presque en demeure de faire acte de foi. Il nous demande, en quelque sorte, si nous pouvons croire qu’à Dieu, rien n’est impossible, même pas de se faire humain pour que les humains s’approchent de lui. Il nous demande si nous croyons que Dieu croit en l’être humain, parie sur lui, joue son va-tout sur lui. Il nous demande si nous voulons bien croire que la proposition que Dieu nous fait à Noël c’est, d’une part, de nous souvenir de notre dignité, comme le suggérait saint Léon, et, d’autre part, de prendre la balle au bond et, puisqu’il n’a pas craint de nous rejoindre par amour jusque dans nos plus intimes combats, de tout faire nous-mêmes pour que nos frères et sœurs puissent vivre tous et toutes, sans distinction, dans la dignité.
Sans cesse, durant l’Avent, c’est à produire des fruits que nous avons été conviés. Dieu prend les devants, s’escriment à dire les prophètes. Il suffit de regarder et de voir – ou d’ouvrir les oreilles et d’écouter ! Il fait signe à travers une naissance. Dans cet événement (dans cet avènement ?), il s’engage tout entier. Il dit qu’il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, des naissants. Il montre qu’il craint tellement peu ce qui est neuf, imprévu, intempestif, qu’il sème l’émerveillement. Et l’espérance germe à foison.
Extrait de « Pistes pour un Avent Solidaire »
Édité par Action Vivre Ensemble et sélectionner par Jean O.