Ouvrons la Bible pour remonter à la source de l’événement.
Le livre des « Actes des Apôtres » attribué à St Luc, un compagnon de route de St Paul, rapporte trois récits parallèles de la vocation de Saint Paul (Ac 9,1-19 ; 22,6-16 ; 26,12-18). Ils sont construits sur un schéma commun à tous les récits d’appel (vocation) dans la Bible, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament : ils comportent quatre étapes
- Une initiative de Dieu vis-à-vis d’une personne choisie par lui.
- L’objection de la personne interpelée qui clame son incapacité, son indignité…
- Le signe par lequel Dieu lève cette objection
- La mission confiée à l’appelé.
‘Saul faisait route vers Damas’ avec des intentions bien précises : en bon pharisien, très soucieux de vivre à la lettre sa foi de juif convaincu, il mène une campagne de persécution contre l’Eglise naissante. Il s’exprime lui-même à ce sujet dans l’épitre aux Galates (1,13-14) : « 113 Vous avez entendu parler du comportement que j’avais autrefois dans le judaïsme : je menais une persécution effrénée contre l’Église de Dieu, et je cherchais à la détruire.14 J’allais plus loin dans le judaïsme que la plupart de mes frères de race qui avaient mon âge, et, plus que les autres, je défendais avec une ardeur jalouse les traditions de mes pères. »
Saul se manifeste comme quelqu’un qui agit en conformité avec ce qu’il croit, c’est un juif engagé et fervent.
Dieu prend l’initiative : Ga 1,15 « Mais Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère ; dans sa grâce, il m’a appelé ; et il a trouvé bon de révéler en moi son Fils ». Et en Ac 9 : « Soudain une lumière venant du ciel enveloppa Paul de sa clarté. 4 Il fut précipité à terre ; il entendit une voix qui lui disait : ‘Saul, Saul, pourquoi me persécuter’ »
Le dialogue met alors en évidence l’objection, la contre-indication : Ac 9 « Saul demanda : ‘Qui es-tu Seigneur ?’. La voix répondit : ‘Je suis Jésus, celui que tu persécutes. 6Relève-toi et entre dans la ville : on te dira ce que tu dois faire’ ».
Le signe : à la suite de cette interpellation Saul se relève aveugle, ‘pendant trois jours, il fut privé de la vue et il resta sans manger ni boire’
La mission : Ac 26, « voici pourquoi je te suis apparu : c’est pour te destiner à être serviteur et témoin de ce moment où tu m’as vu, et des moments où je t’apparaîtrai encore, 17 pour te délivrer de ton peuple et des non-Juifs. Moi, je t’envoie vers eux, 18 pour leur ouvrir les yeux, pour les ramener des ténèbres vers la lumière et du pouvoir de Satan vers Dieu, afin qu’ils reçoivent, par la foi en moi, le pardon des péchés et une part d’héritage avec ceux qui ont été sanctifiés. »
Commence alors la conversion de Saul qui devient Paul : un long cheminement d’initiation chrétienne au sein de l’Eglise naissante. « Aussitôt, sans prendre l’avis de personne, 17 sans même monter à Jérusalem pour y rencontrer ceux qui étaient Apôtres avant moi, je suis parti pour l’Arabie et, de là, je suis retourné à Damas. 18 Puis, trois ans après, je suis monté à Jérusalem pour faire la connaissance de Pierre, et je suis resté quinze jours auprès de lui.19 Je n’ai vu aucun des autres Apôtres sauf Jacques, le frère du Seigneur. » (Ga 1,16-19)
Les Actes des Apôtres (22, 17-21) rapporte une apparition du Christ ressuscité à St Paul où sa mission est confirmée et précisée : « De retour à Jérusalem, comme je priais dans le temple, je fus ravi en extase, et je vis le Seigneur qui me disait: Hâte-toi, et sors promptement de Jérusalem, parce qu’ils ne recevront pas ton témoignage sur moi. Et je dis: Seigneur, ils savent eux-mêmes que je faisais mettre en prison et battre de verges dans les synagogues ceux qui croyaient en toi, et que, lorsqu’on répandit le sang d’Étienne, ton témoin, j’étais moi-même présent, joignant mon approbation à celle des autres, et gardant les vêtements de ceux qui le faisaient mourir. Alors il me dit: Va, je t’enverrai au loin vers les nations… » (L’icône en tête de ce texte illustre cet événement. Elle a été réalisée dans les ateliers de l’Abbaye de Mount Angel à l’occasion de l’année jubilaire commémorant le deuxième millénaire de la naissance de Saint Paul. Cette icône est visible dans l’église-abbatiale de cette même abbaye pendant l’année.)
Alors seulement, Paul entreprend ses voyages missionnaires autour de la méditerranée. Entouré d’une petite équipe, il a fondé en différents lieux des communautés chrétiennes. A travers les récits des Actes, on découvre un peu mieux le personnage de Paul qui ne devait pas toujours être facile à vivre : à plusieurs reprises on constate des incompatibilités d’humeur avec ses compagnons qui le quittent pour poursuivre le chemin de leur côté…
Pourquoi fêter encore aujourd’hui cet événement vieux de 2000 ans ? Sans doute, parce qu’il tient une place importante dans la naissance et la croissance de l’Eglise, aussi parce qu’il est le premier à établir les fondements d’une théologie chrétienne.
Mais si l’Eglise fête encore cet événement c’est surtout, peut-être, parce que ce récit nous interpelle aujourd’hui : Dieu appelle au service de l’Eglise là où on ne l’attend pas, au point de pouvoir transformer un persécuteur en apôtre ! A travers ses écrits, Paul ne cessera de rappeler que, s’il fut un ‘athlète’ de l’évangélisation, il n’a aucun mérite à cela : tout est grâce de Dieu. Lorsque, dans sa prière, il implore Dieu d’écarter tout ce qui l’empêche d’avancer dans sa mission, Dieu lui répond : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2Co 12,9). Paul n’était pas un surhomme : il a pris conscience qu’en assumant sa fragilité, il laissait la place à la force de Dieu à l’œuvre en lui.
Dieu appelle chacun de nous, sans que nous y ayons le moindre mérite, pour travailler à l’avènement de son Royaume ; il nous donne des signes ; il nous demande de nous mettre en route pour nous convertir sans cesse et nous ouvrir à sa grâce ; il croit en nous et nous fait confiance. Si, à notre tour, nous lui faisons confiance alors il pourra croitre en nous et nous permettra de réaliser de grandes choses.
Jean