‘…comment Dieu a ouvert aux nations la porte de la foi.’ Ac 14, 27
‘Voici que je fais toutes choses nouvelles’ Ap 21, 5
‘Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres.’ Jn 13, 34b-35
A Pâques, l’Eglise a célébré le sommet de l’année liturgique : la résurrection du Christ. Or, cinq jours plus tôt l’actualité est venue nous bousculer d’une manière particulièrement violente qui ne cesse de faire des vagues encore et encore… Certes, au plan du monde, cette violence est quotidienne, et sans doute plus extrême encore, depuis bien des années aux quatre coins du monde mais aujourd’hui, c’est chez nous ! Comment accueillir le mystère de Pâques dans ces circonstances ?
En tant que mystère, Pâques échappe à notre intelligence et à nos sens : l’Eglise, en bonne pédagogue, nous a donné 40 jours pour nous préparer à accueillir ce mystère et nous offre encore 50 jours pour cheminer avec les disciples de Jésus, et revivre avec eux l’expérience de la rencontre du Christ ressuscité dans le concret de nos vies.
Saint Jean a longtemps médité l’expérience qu’il a vécue concrètement avec Jésus à une époque qui fut au moins aussi bousculée que la nôtre. La révélation qu’il nous livre dans son ‘Apocalypse’ ne s’adresse pas à notre intelligence ou à nos sens, mais à cette autre dimension de notre être profond : la rencontre de l’autre, différent,… le Tout-Autre qui nous rejoint au plus intime de nous-même. Jean nous parle de sa vision : « la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari ».
L’Eglise, mystère du Christ vivant aujourd’hui dans le monde réalise les noces éternelles de Dieu avec son peuple, l’humanité toute entière. Fini le temps des fiançailles, fini le temps de la promesse, voici le temps de l’étreinte de Dieu avec l’humanité. Ce langage est difficile à entendre à notre époque : nous sommes habitués, et souvent enfermés même, dans une rhétorique rationaliste et logique qui ne fait que peu de place à nos émotions, à nos tripes.
Il y a une semaine nous participions à une retraite pour les responsables de communautés Foi et Lumière de Belgique autour de Jean Vanier, un prophète de notre temps. Brillant officier de marine, sa vie a basculé par la rencontre avec la personne handicapée mentale. Il a fondé les communautés de l’Arche, communautés de vie centrées sur la personne avec un handicap mental, une vie qu’il partage depuis 1964. Aujourd’hui, âgé de 87 ans, il témoigne de la ‘bonne nouvelle’ reçue des personnes fragiles et vulnérables. Il cite St Paul : ‘Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort.’ Voilà le ‘credo’ que lui ont appris concrètement dans la vie ceux qui sont blessés dans leur intelligence. Et il cite l’expérience de ce prêtre qui a rencontré Loïc : Loïc est à présent un homme qui n’a jamais grandi, dont le handicap profond exclut toute parole, toute communication verbale traditionnelle. Et pourtant Loïc a transformé la vie de ce prêtre et lui a appris la tendresse.
Il cite encore Francis, un jeune enfant avec un handicap mental : à l’occasion de sa première communion, son parrain est impressionné par la célébration et s’adresse à la maman de Francis : « Quelle belle célébration, dommage que Francis n’ait rien compris. ». La maman fond en larme. Francis, témoin de la scène enlace sa maman en lui disant : « T’inquiète pas maman, Jésus m’aime comme je suis ». Moi, non plus je ne comprends rien à ce qui se passe dans la communion malgré tous mes diplômes universitaires, mais comme Francis je pense qu’il ne faut pas s’en inquiéter pourvu que je sois ouvert à l’amour gratuit de Dieu.
Et puis, il y a André, cet adulte vivant dans une communauté de l’Arche : il a rendez-vous chez le cardiologue. A son retour, ses compagnons l’interrogent : « Cela c’est bien passé ? » « Très bien, merci ! » « Qu’est-ce qu’il a trouvé dans ton cœur ? » « Jésus » « Qu’est-ce que Jésus fait là ? » « Il se repose ».
Et l’on pourrait multiplier les exemples vécus dans nos communautés Foi et Lumière où tant de personnes qualifiées ‘d’handicapé mental’ nous révèlent leur grandeur mais nous révèlent aussi tant de beautés en nous que nous ne soupçonnions même pas. Oui, ‘ce qu’il y a de fragile et de vulnérable dans le monde voilà ce que Dieu a choisi’ pour révéler ce qui fait notre vraie grandeur. Foi et Lumière a la mission de transformer le monde, de faire émerger une nouvelle image de l’homme, de faire pressentir que là où l’homme est vulnérable, là où il peut s’ouvrir à l’amour gratuit, là il peut s’épanouir et devenir pleinement enfant de Dieu.
« Voici que je fais toutes choses nouvelles ! »
Pâques nous invite à oser cette rencontre-découverte !
Jean
Communauté de l’Arche à Trosly-Breuil